Biarritz le clan des BO-bos
Les dessous people du Rocher de la Vierge
Par Ch. B./Illustrations de Marko pour CBP
Biarritz, pour les natifs de l'intérieur, "c'est la principauté du Pays basque". Le Rocher là-bas, au loin, et ses manières bling bling. Mon boucher n'y met jamais les pieds. Pas parce qu'il est Avironnard. Ou natif d'Hélette. Non, parce que pour lui, "ce n'est pas le Pays basque", dit-il sérieusement. Alors, c'est quoi ? En moins de dix ans, Biarritz est devenue l'égal de Saint-Tropez, la Baule, Deauville ou Cannes sur l'échiquier up to date des destinations préférées de la planète people. Est-ce bien ou mal ?
La Principauté de "Boboland"
Durant plus de 20 ans, un homme, un seul, entouré d'un clan structuré, de fidèles, plus ou moins zélés, de serviteurs, compétents et aux ordres, a transformé l'image de cette station balnéaire vieillissante à la fin des années 80 en une destination glam, chic et tendance au mitan des années 2000. Son nom ? Didier Borotra, bistan dena, sénateur maire tout puissant de "la plus petite ville de France la plus connue dans le monde entier" après Saint-Tropez. Borotra n'est pas Brigitte Bardot, mais ce magicien de la politique, habile technicien, bosseur infatigable, impressionne ceux qui le côtoient par sa finesse d'esprit et sa tenacité, qui n'est pas un défaut, mais plutôt une qualité en politique.
En quelques années, Biarritz est devenue la principauté de "Boboland"! La façon dont le maire Modem a mené sa barque est impressionnante: l'homme est intelligent, fin politicien, maître tacticien. Surtout, Didier Borotra a eu une vision au début des années 90 lorsqu'il a renversé Bernard Marie, le père de MAM, et pris sa place à la tête d'une majorité hybride. Borotra a de suite imaginé que Biarritz pourrait retrouver son lustre passé, celui des années glorieuses du début du siècle dernier jusqu'aux 50's en misant tout sur une activité unique : le tourisme, et sa manne financière.
Le nouveau maire -élu en 1991- a eu le nez creux, d'abord, en choissisant son éminence grise, un homme de l'ombre, peu connu du grand public, mais personnage central du système Borotra : Olivier Lépine, directeur de Biarritz Tourisme (Epic tout puissant, 5M€ de budget, une cinquantaine de salariés), une pointure du tourisme en France, homme aux réseaux précieux, débauché à prix d'or du Grand Lyon. Dans les coursives du pouvoir biarrot, on résume avec le sourire le rôle des deux bonhommes sur le précieux Rocher : le prince, c'est "Bobo 1er", ou sa "Majesté Didier" et Olivier Lépine, lui, c'est son premier ministre. Son bureau est d'ailleurs plus grand et imposant que celui de son supérieur, fan d'architecture contemporaine...
Le centriste Didier Borotra a su convaincre ensuite sa majorité plurielle, de la droite aux socialistes en passant par les abertzale de gauche, de faire bloc derrière lui, ses idées, sa vision donc, et d'imposer cette politique tout tourisme, y compris à ses voisins d'Anglet et Bayonne, via la communauté d'agglomération, l'ex-Cabab. Réfection pour ne pas dire rénovation des atouts touristiques majeurs de la station (casino municipal, Hôtel du Palais, centre Bellevue, Côte des basques, les halles centrales), toilettage imposé -via la code de la construction- aux propriétaires privés des plus belles façades de la ville, création d'outils intercommunaux qui profitent surtout à Biarritz (Atabal, halle d'Iraty + Cité de l'océan + Musée de la mer pour plus de 70 M€), ouvertures de lignes aériennes low cost (Ryanair, Easyjet, Volotea, etc.) à l'aéroport de... Biarritz-Parme : ces travaux ont été financés, en grande partie, par des fonds de l'agglo. Habile, là encore, Borotra...
Car Biarritz, malgré sa petite taille (25 000 habitants à l'année, le triple en été) (1) est une ville très riche, puisque tout (ou presque) (2) lui appartient, à l'instar du fameux Hôtel du Palais, classé palace depuis 2011, des parkings exploités par Vinci, ou du casino, dont une partie est louée à prix d'or au surpuissant groupe Barrière. Là aussi, Didier Borotra a su se montrer... bon prince avec les entrepreneurs privés -citons également le groupe Accor, qui oeuvre au Sofitel Miramar, le navire amiral du groupe dans les thalassos 5 étoiles- qui ont investi dans "sa" station.
Durant ces années 90-2000, nombre d'entrepreneurs ont, en effet, placé beaucoup d'argent dans des affaires touristiques de premier ordre et en ont reçu de précieux dividendes avec la montée en gamme de la station. Patrons de chaînes, d'hôtels, de restaurants, de clubs ou bars de nuit ont travaillé main dans la main avec la ville, un mariage de raison qui a profité à tout le monde. Un système gagnant-gagnant au final car Biarritz (environ 9 000 lits) vit aujourd'hui du tourisme à l'année, ce qui n'était pas du tout le cas il y a quinze ans.
L'autre clé de la réussite de la destination Biarritz, c'est la communication. Là, Didier Borotra et sa municipalité ont mis les petits plats dans les grands : festivals (Fipa, Latino, FAR, France TV, Temps d'aimer...), le tant décrié Foro, cher à "Bobo", événements sportifs (Biarritz Sport santé avec Carat, Roxy pro, rugby, golf, open de tennis), utilisation (abusive diront certains) de l'image du surf, où ce sport a été importé en Europe grâce à Peter Viertel. On ne compte plus les unes de journaux branchés, les papiers dans les news magazines ou les revues féminines, les reportages télés, savamment orchestrés, et financés, par Biarritz Tourisme et le service communication de la Ville que dirige Claire Ripert, ancien mannequin, ex-RP d'Accor, à l'imposant carnet d'adresses parisien.
Il n'empêche, malgré des moyens quasi illimités, la concurrence est rude, et depuis deux ou trois saisons, crise oblige, la destination Biarritz, plutôt chère, attire moins. Sans parler de régression, il y a une vraie stagnation. La saison se raccourcit, pas qu'au Pays basque, et cet été, juillet, malgré un ciel admirablement bleu, contrairement aux autres années, ce n'était pas la grande foule dans la station.
A un an de la fin de son mandat, et de sa retraite politique, Didier Borotra a, en plus, dû essuyer des coups durs et faire face à la critique sur des questions liées au tourisme : projet décrié de parking souterrain à la Côte des basques, fermeture des populaires 100 Marches, arrêt des non moins populaires casetas (de son propre chef), l'événement qui lançait la saison estivale, pollution des eaux de baignade, suite au printemps pourri et à cause d'un système d'assainissement obsolète, contestations de "son" grand projet de la Cité de l'Océan, que ses opposants et nombre de Biarrots jugent coûteux et inutile.
Sa Majesté Didier, qui fêtera ses 76 ans le 30 août, va vivre son dernier été à la tête de la principauté. Sans avoir préparé la suite et son dauphin potentiel. Après lui, le déluge ?
(1) 25397 selon l'Insee en 2009. Sa population DGF est d'environ 36 000 habitants. Pourcentage de résidences secondaires, 40%, en 2009.
(2) La Ville perçoit 7M€ par an de recettes rien que des droits de mutation, les jeux, la taxe de séjour.